[Les Enfants de l'Apocalypse] Introduction

Aahh…Que j’aime ces moments où, après une longue journée de labeur, je peux me détendre dans cette taverne en dégustant une bière bien fraiche, les rires des habitués me chauffant le cœur le temps que les effluves alcoolisés en fassent de même avec mon corps.


J’aime cet endroit, la complaisance qui s’en dégage autant dans sa simplicité que son atmosphère, un peu à l’image de Rudolf, son patron, un sourire accueillant toujours chacune de ses phrases donnant pour le coup à ses cuvées un goût familièrement rustique, authentique, un brin de chez vous à porté de gorge en quelque sorte.


Et ce jour ne déroge pas à la règle. C’est donc le cœur serein que je bois ma chopine, moment privilégié avant de rejoindre les doux bras de ma tendre Marie.


Alors que l’écume mousseuse de ma bière s’accroche à ma barbe naissante, mer de houblon entrant dans le détroit de ma bouche, une femme me rejoint à la table, s’asseyant à la chaise près de moi. Une jolie femme pour tout dire et, sans nul doute, elle sait l’effet qu’elle fait aux hommes. Elle me regarde, plongeant ses doux yeux amandes dans les miens, un battement de cil suffisant à me faire paraître petit face à cette grande dame, moi, modeste ébéniste et elle, respirant la noblesse parfumée.


Pourtant, elle m’aborde, faisant fi de cette différence et de la sueur empreignant mes vêtements.


« Bonsoir, Messire, Puis je vous offrir un verre ? » Me susurre-t-elle d’une voix suave et sensuelle.


Aimable de sa part mais mon défunt père, paix à son âme, s’en retournerait dans sa dernière demeure si j’acceptais, si j’oubliais l’éducation qui m’inculqua dont ces préceptes de courtoisie auxquels il tenait tant.


« Permettez-moi plutôt de vous en offrir un, Fräulein !! ».


Et joignant le geste à la parole, aussi afin d’éviter tout refus de sa part, je commande deux choppes de la main à Rudolf. Il est vrai que les temps sont durs en ce moment et, même si mon travail à la scierie me permet de subvenir aux besoins de ma tendre épouse, l’économie d’une tournée serait toujours bonne à prendre. Mais l’amour ne suffit il pas à nourrir son homme ? Qu’est ce l’or quand la passion comble vos nuits et que celle à qui appartient votre cœur contribue chaque jour à votre bonheur ?


C’est ainsi que la belle et moi commençons à discuter en trinquant à l’amour, une pensée émue à Marie tandis que je bois une rasade. Enfin, la discussion se limite à moi, parlant de mon épouse, de mon travail, de ma vie et elle, se contentant d’acquiescer à mes dires, de sourire à mes propos et même de rire à mes quelques boutades. Quelle douceur ce rire… Un émerveillement à mes oreilles.


Le temps passe ainsi…Une heure…Peut être moins….Quoi qu’il en soit, les gloussements gras des habitués commencent à me porter sur les nerfs. Sont-ils vexés que cette dame soit à ma table plutôt qu’à la leur ? Me jalousent-ils au point de ponctuer chacune de leurs insultes lâchées en secret par des hilarités ridicules ?


La jeune femme a du percevoir mon agacement car elle s’inquiète de mon état par un : « Messire ? Vous allez bien ? »


« Ca va, ça va!! » lui dis je d’un ton se voulant plus sec que je n’aurai voulu.


Alors que je m’apprête à m’excuser auprès d’elle, je perçois du coin de l’œil le visage violacé du tavernier, ce Rudolf, me fixant avec ce sourire niais…Voir Hypocrite…


Il est qui, lui pour me juger ? Il croit que son taudis est trop bien pour un gars comme moi, que sa piquette vaut mieux que l’ébéniste exploité que je suis ? Qu’il se méfie que je ne lui colle pas sur le menton sa pisse d’âne !!!


Messire ? »


Grlmmmm, qu’est ce qu’elle a elle aussi à me gonfler? Elle me prend pour un pigeon, cette garce ? Je ne suis pas dupe au point de me laisser dépouiller mon argent par la première poule venue. Faut que je sorte…Et vite avant que je fasse un malheur…


L’air frais me cingle le visage, m’envoyant dans les narines les relents des bas-fonds.


Je prends le chemin de la maison, évitant de justesse deux gamins espiègles courant et beuglant tout leur saoul. Rien à faire de mieux, ces marmots, que de m’enquiquiner à cette heure là ? Y a vraiment des parents que j’aimerai cogner à coup de ceinturon pour leur apprendre à éduquer leurs gosses, moi…Un peu comme faisait mon père, soit disant pour mon bien….Pfff…Qu’il pourrisse dans son trou, cette enflure et que les vers en fassent une indigestion, tiens !!


Je tourne à droite, débouchant dans ma rue, passant devant la bâtisse de mon voisin. Cet empaffé est occupé à secouer son tapis. Il me voit….Me sourit….Et ose même un bonjour…


Que croit-il, ce crétin ? J’ai vu son petit jeu, ses regards mielleux avec Marie. Il doit être dehors pour guetter mon retour, trop content, il aurait été, si j’avais trop tardé.


Je passe le pas de ma porte. Ma femme m’accueille d’un « C’est toi, mon amour ? »


Peut être attendait elle le voisin, hein….Oui peut être… Et ce diner, m’est il destiné ou s’apprêtait il aussi à me voler mon repas ?


« Tu as l’air fievreux, mon cœur ? »


Je ne dis rien..M’approche du plan de travail sur lequel est posé un long couteau au fil aussi tranchant qu’un rasoir…M’en saisit…


Mon maudit père avait raison, c'est une trainée….Elle va payer…Oui elle va payer…

Hurla t’il, frappant du poing sur le bureau, faisant, pour le coup, renverser l’encrier
sur les parchemins éparpillés sur le pan de travail.


« Qu’a t’il bien pu se passer, Crénom!!! Je veux tout savoir sur cette affaire, et au plus vite !! J’espère pour vous que le chargement est toujours sur place ou, par Kurgan, je vous envoie dans les anciennes mines de cuivre des Montagnes du Bout du Monde !! Alors, j’attends des explications !! »


Les conseillers se regardèrent, brièvement, un voile d’appréhension dans leurs yeux trahissant l’anxiété de subir le courroux d’Othmir PincAcier.


Le Maître des Runes n’était pas réputé pour sa clémence et la charge que lui avait confiée le Haut Roi, il y a quelques années de cela déjà, il l’entendait bien la porter à terme. Aussi, les subalternes comprenaient son irritation. S’il advenait que le chargement, résultat de plusieurs mois de labeur, soit perdu, il faudrait tout reprendre.



« Vous n’en savez rien, c’est cela !! » Continua Othmir. « Vous n’en savez fichtrement rien!!! ». Il posa un regard sévère sur l’assemblée devant lui, toisant l’un après l’autre ses sous fifres avant de reprendre : « L’un de vous va se rendre à Altdorf, la cité des hommes, pour y quérir audience auprès du Thane de GrimDal BaraZ, dites leur que je souhaite voir un détachement de leu clan ici, au plus vite, pour mettre cette histoire au clair, dites leur ce que vous jugez utile mais ramenez les moi !! » .


Puis, congédiant les conseillers d’un geste de la main, le Maître des Runes posa son regard sur l’encre étalée.


« Et que l’on me nettoie ça !! »